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Les parallèles se cherchent à l’infini
Les parallèles se cherchent à l’infini
  • Une histoire écrite a quatre mains, des personnages qui ne se connaissent pas mais se frôlent ou se touchent même s’ils ne vivent pas forcément dans les mêmes lieux ou dans le même temps.
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5 février 2010

5.

Les crapauds l’abordèrent sans politesse excessive, lui parlant directement dans un anglais incertain pour demander si l’Hôtel Sawadee était loin encore. Ils avaient la cinquantaine, des physiques assortis et flous aux traits grossiers et empâtes. Des vêtements pochant ça et la couvraient vaguement leurs formes informes. Ils n’étaient pas agressifs mais leurs manières étaient frustes. 

L’anglais sonna étrangement aux oreilles de Thomas. Il n’en avait guère entendu dans son premier âge et ne l’avait jamais parlé mais il comprit néanmoins le sens de la demande « Hotel Sawadeee est où ? » Avec son physique d’ange, Thomas dominait les crapauds et les regardait avec étonnement. Il n’avait jamais contemplé d’adultes de cette manière et ne comprenait pas le rapport de taille, le fait qu’il voyait en premier chef non plus des genoux et des mains qui se tendaient vers lui mais des casquettes publicitaires dont la visière masquait mal des adiposités banales. Pour la première fois de sa vie, Thomas ressentit mais encore confusément des notions subtiles : la beauté, la prestance, l’allure, que sais-je ? Il voulut répondre et la phrase se forma instantanément dans son esprit. La prononcer était autre chose et il resta un instant les lèvres entr’ouvertes, les sourcils froncés, hésitant au bord de sa première phrase comme s’il percevait l’importance initiatique de cette intronisation au langage. Enfin, lentement, avec une solennité involontaire ‘je ne sais pas... ‘Il avait parlé en anglais et les crapauds incertains le regardèrent sans rien dire   

La crapaude enfin exhala un soupir ‘merde. Thomas avec une certaine panique a l’âme leur répéta en français cette fois qu’il ne savait pas. Même si leur destin ne s’arrangeait guère avec cette information, les crapauds parurent heureux que quelqu’un leur répondit dans ce pays où ils n’étaient pas a l’aise. C’était leur premier voyage hors de leur mare et tout les déconcertait. Ils avaient vaguement imaginé une plage normande avec des palmiers, rien d’aussi différent à quoi ils n’étaient pas du tout préparés.  Ils avaient chaud, trop chaud, et contrairement aux éphèbes et nymphes des photos sur la brochure de l’agence de voyage, les crapauds suaient et n’aimaient pas ca... leur premier repas local leur tordait quelque peu les boyaux et sans l’avouer encore, ils regrettaient la routine alimentaire comme les autres routines. Thomas avait d’autres soucis et la conscience de l’étrangeté de son état commençait a lui apparaitre mais il les trouva vaguement touchants dans leur impuissance déçue. Alors il leur sourit et écarta légèrement les bras dans un geste de sympathie et d’impuissance.

Sans dire même merci, les crapauds reprirent leur marche vers l’inconnu, tirant une dérisoire valise à roulettes qui cahotait sur le sol inégal.

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