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Les parallèles se cherchent à l’infini
Les parallèles se cherchent à l’infini
  • Une histoire écrite a quatre mains, des personnages qui ne se connaissent pas mais se frôlent ou se touchent même s’ils ne vivent pas forcément dans les mêmes lieux ou dans le même temps.
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10 novembre 2009

1.

Ses parents étaient partis... une journée en mer pour “faire du snorkelling”. 

Après son petit-déjeuner, sa maid l’avait emmené à la plage. Ses mouvements limités à l’ ombre du parasol, le temps commençait à être long. Il avait bien emporté son gros camion rouge, sa pelle et son seau, mais il s’était vite désintéressé du chantier de construction, trop souvent piétiné par des pieds distraits ou peu respectueux de son ouvrage. Sa maid, plus par obligation que par envie, l’avait aidé à construire une tour de soixante étages, mais les pâtés empilés s’écroulaient aussitôt et la construction qui devait défier le ciel n’était qu’un gros tas de sable informe.

Il s’était réveillé au petit matin. Il avait pu quitter la chambre qu’il partageait avec sa maid pour rejoindre celle de ses parents. Il s’était blotti entre eux, contre elle, dans le creux de son corps chaud. Il avait respiré le parfum de sa peau, chargée des odeurs de la nuit, débarrassée des oripeaux qui le jour en dérobaient la quintessence. Il avait écouté ses éclats de rire qui venaient de la salle de bain, l’avait regardée joyeuse et virevoltante traverser la chambre. Images, sons et parfums qu’il retenait  comme le viatique qui lui permettrait de passer tant bien que mal seul cette journée.

A une centaine de mètres de lui, la mer brillait d'un éclat argenté. Elle avait mis sa robe de princesse. L'étoffe, gonflée en son centre, chatoyait, s'irisait au soleil, se diaprait d'éclaboussures neigeuses. A la lisière, une dentelle de vaguelettes dansait en le narguant. Un nuage passa. Il se rappela qu'il ne pouvait se baigner qu'en présence de ses parents... Tu n'as que quatre ans, tu ne peux pas te baigner sans nous! Pourtant, ce matin-là, l'eau s' était  faite belle pour lui. 

Le doux ronflement de sa maid qui, engourdie par la chaleur et par l'inaction, somnolait depuis longtemps fut le complice inattendu de son évasion. Il s'approcha du rivage, d'abord d'un pas hésitant, en regardant autour de lui. Une langue d'eau vint lui caresser les pieds, comme pour le rassurer et l'inviter gentiment à participer à son jeu. Il se mit à lors à sautiller tout en avançant. Agissant comme un onguent, l'eau apaisait la morsure du soleil et rafraîchissait sa peau.

 Mais la pente s'accentuait rapidement. L’eau lui montait maintenant jusqu'à la taille, puis jusqu'aux épaules, enfin jusqu'au cou. Il éprouva alors un délicieux frisson, lié au danger qu'il percevait vaguement auquel se mêlait la sensation magique d'être ainsi enveloppé et bercé par des mouvements très doux. Il poursuivit le jeu. A quel moment allait-il vaciller? Il était maintenant sur la pointe des pieds, le menton immergé. Pareil à un funambule qui se joue des lois de l'équilibre, il goûtait intensément ce moment. Jamais il ne s'était senti aussi vivant, aussi attentif à ce qui lui arrivait. Il attendit qu'une vague un peu plus forte le recouvrît entièrement . Il ne vit alors plus que l'eau, un peu trouble mais toute dorée de soleil, et les bulles qu'il faisait en soufflant comme le lui avait appris son père. Aussi léger qu'une plume, il  baignait dans un cocon merveilleux et  n'éprouvait aucune peur. Plus de tracasseries, plus de chamailleries et de gronderies, mais un monde parfait, où rien n'est encore écrit. Il n'avait plus d'âge, était au commencement de son histoire. Autour de lui, ce n'était que silence, un silence étrange qui n'en était pas vraiment un. Il y avait une voix ininterrompue, sourde et envoûtante comme le chant des sirènes, elle venait des profondeurs de la mer. Il eut le temps de voir passer un petit poisson argenté avant que tout s'estompe soudain, puis devienne noir. Il lui sembla  percevoir un cri lointain, à moins que ce ne fût une voix née de son esprit qui tentait de le ramener à l'autre vie. Deux fois, il entendit qu'on l'appelait: Tommy... Tommy.

 

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